Dans mon premier article consacré à la Communication Non Violente (CNV), j’ai expliqué le principe de la CNV. J’ai aussi montré comment distinguer nos émotions et nos besoins au-delà des faits dans les situations parent-enfant. Dans ce second article, je vais détailler les 3 actions identifiées en CNV comme les racines de la violence, celles qui sont parfois devenues des habitudes et qui pourtant, nous coupent de notre nature humaine. Puis je donnerai un exemple d’utilisation de la CNV avec un enfant.

# 1 – Croire nos jugements et coller des étiquettes, des habitudes qui abiment nos relations parents-enfants

Avoir des jugements sur nos enfants c’est habituel, croire nos jugements c’est optionnel

En Communication Non Violente, on apprend qu’exprimer à soi-même et aux autres, notre jugement a pour effet de coller une étiquette sur la personne. Cela est problématique car ces étiquettes vont figer la situation (par exemple : « il est colérique », sous-entendu : « il ne changera jamais »). Voire « déshumaniser » les gens (« il est sans cœur ») et in fine, abimer nos relations.

On mettra dans ce package : les critiques mais aussi les compliments, les comparaisons, les analyses, les diagnostics et les généralisations. Ça fait beaucoup de choses que l’on exprime au quotidien, n’est-ce pas !

Il me semble cependant essentiel de préciser deux points importants.

Tout d’abord, il s’agit là d’apprendre à ne pas « exprimer » nos jugements et non de ne pas « avoir » ses jugements. En effet, les jugements peuplent nos pensées en permanence et c’est tout à fait normal. Notre cerveau est une machine à jugements. Ces jugements lui sont essentiels car ils lui simplifient la vie, il est donc impossible et inutile d’essayer de stopper les jugements dans nos têtes.

Ensuite, il est tout à fait possible de ne pas les « croire », c’est-à-dire de ne pas leur donner le pouvoir en les mettant au premier plan. Ainsi, il devient possible de ne pas les exprimer de but en blanc. Et à la place, d’exprimer ce que l’on ressent.

étiquettes sur les enfants en parentalité
Qu’y a-t-il derrière mes étiquettes ?

Dire à notre enfant « T’es gentil » et « T’es méchant » : c’est du pareil au même en CNV !

Il peut paraitre étrange d’avoir mis dans le même package les critiques et les compliments. On imagine que dire à quelqu’un « tu es stupide » et « tu es intelligent » n’aura pas le même effet 😉.

Cependant, les compliments tout comme les critiques ont pour effet de fixer sur la personne une étiquette, ce qui réduit la personne à ce jugement. Lorsque l’on formule un compliment, passés les 5 min qui font plaisir, l’enfant n’aura qu’une crainte : c’est de perdre sa belle étiquette.

C’est là tout le problème des étiquettes. L’enfant aura tendance à croire les étiquettes négatives (« je suis méchant »). Il mettra aussi son authenticité entre parenthèse de peur de perdre les étiquettes positives (« je ne peux pas dire ce que je pense car on ne va plus me dire que je suis gentil »).

Mais je vous rassure, on ne va pas arrêter de communiquer et se dire des choses qui font du bien !

En CNV, on exprime ce qui se passe en nous plutôt que le jugement que l’on porte sur notre enfant

En CNV, au lieu de dire son jugement, on exprime nos émotions et nos besoins vis-à-vis de ce que notre enfant a dit ou fait. On remplace par exemple :

  • « Tu es vraiment une fille disponible » par « Quand tu fais cela, je me sens émue parce que j’ai besoin de me sentir écoutée »
  • « Tu es parfois un fils ingrat » par « Quand tu dis cela, je me sens vexée parce que j’ai besoin de reconnaissance »
  • « J’ai de la chance d’avoir un enfant qui m’écoute » par « Quand tu fais cela, je me sens légère car j’ai besoin de soutien »

En bref, au lieu d’exprimer son jugement, on exprime ce qui vit vraiment en nous. Et ces formulations ont plusieurs effets bénéfiques :

  • Elles nous permettent d’exprimer ce qui se passe à l’intérieur de nous. Ce qui veut dire aller vers plus d’authenticité dans notre relation parent-enfant.
  • Elles nous invitent de rester sur LE fait (au lieu de généraliser). Cela rend les choses à la fois moins pesantes et plus compréhensibles pour nos enfants !
  • Cela libère aussi l’enfant de l’impression qu’il doit dire ou faire quelque chose pour avoir une « bonne note ». Exprimé ainsi, il devient évident que l’enfant ne peut pas porter seul (voire pas du tout) la réponse aux besoins de son parent.

Comme toute habitude à changer on met parfois un peu de temps à se l’approprier, mais si vous essayez, vous constaterez peut-être comme moi comme ça allège très significativement la relation parent-enfant !

# 2 – « Ce n’est pas ma faute » et « je n’ai pas le choix ». Le déni de responsabilité qui abime les relations parents-enfants

Reprendre le pouvoir sur notre capacité à changer les choses avec notre enfant

Une autre origine de la violence selon la Communication Non Violente est le « déni de responsabilité ». Cela consiste à attribuer la raison de ce que l’on dit ou fait à une cause extérieure à nous. C’est dire par exemple : « ce n’est pas ma faute si je l’ai tapé, c’est lui qui m’a mené à bout ».

Ce déni de responsabilité nous met dans une position de victime qui n’a – par définition – aucun pouvoir sur les choses : « c’est lui qui m’a dit de le faire », « je n’ai pas eu le choix », « je suis obligé-e de », « si c’est comme ça, alors je fais cela », etc.

Au début, je n’ai pas bien compris en quoi ce point était une racine de la violence. Mais pourtant, elle est de première importance. Elle inscrit les actes de violence dans la durée à cause d’une absence de remise en question de la violence.

Cela a pour effet très néfaste de penser les actes violents, notamment les VEO sur les enfants, au mieux comme impossibles à changer, au pire comme légitimes ou normaux.

violence en parentalité
C’est pas ma faute c’est lui qui a commencé !

Sortir des raccourcis que l’on peut faire parfois en tant que parent (« il me tape alors je n’ai pas envie de discuter avec lui »), c’est salvateur dans la relation parent-enfant. C’est reprendre le pouvoir de changer les choses.

L’obéissance : à enseigner à nos enfants avec modération !

L’exemple le plus connu de déni de responsabilité est l’expérience réalisée par Stanley Milgram dans les années 70.

L’expérience est la suivante. On propose à des « sujets » (S), hommes et femmes de 20 à 50 ans, issus de tous milieux et avec différents niveaux d’éducation, de participer à une expérience scientifique. Ils se retrouvent dans une salle à côté d’un scientifique reconnu (E) qui dit mener une expérience. Derrière une fine cloison, un « apprenant » (A) attaché à une chaise électrique, doit répéter une liste de mots.

Si l’apprenant se trompe, le scientifique demande au sujet d’appuyer sur une touche envoyant à l’apprenant une décharge. En réalité, ces décharges sont fictives et la victime attachée, complice de l’expérience, fait semblant d’avoir mal à chaque décharge. Mais le sujet n’en sait rien.

Limites de l'obéissance des enfants
Schéma de l’expérience (source : Wikipédia)

Au fur et à mesure des erreurs, le sujet doit appuyer sur une décharge de plus en plus forte. Si bien que la victime se met à gémir, supplier d’être détachée, crier violemment, jusqu’à feindre de perdre connaissance. Tout au long de l’expérience, le scientifique, figure d’autorité, donne une série d’ordre sans aucune menace, consistant à dire au sujet les seules phrases : « veuillez continuer s’il vous plait », « il est indispensable que vous continuiez », « l’expérience exige que vous continuiez », « vous n’avez pas le choix, vous devez continuer ». L’expérience prend fin quand le sujet demande d’arrêter ou après avoir administré trois décharges maximales de 450 volts.

Les résultats de cette expérience montrent que deux tiers d’entre nous vont jusqu’aux décharges les plus fortes, en exprimant des signes de nervosité et de réticence plus ou moins importants, mais sans oser désobéir aux ordres donnés.

Dans une autre version de l’expérience, les sujets devaient lire les questions et le un tiers complice appuyait sur le bouton. Les sujets assistaient à la même scène mais dans un rôle secondaire où ils ne se sentaient pas directement responsables de la souffrance de la victime. Dans ces cas où les responsabilités étaient partagées, ce sont 92% des sujets qui sont allés jusqu’aux décharges les plus fortes.

Cette expérience a beaucoup marqué la psychologie. Elle montre clairement l’impact du déni de responsabilité (« ce n’est pas ma faute ») et de l’obéissance à une figure d’autorité (« un sachant m’a dit de le faire »).

Les conclusions de cette expérience font froid dans le dos, mais cette prise de conscience me semble aussi libératrice. Tout d’abord par rapport à notre propre (re)prise de responsabilité, en particulier dans les situations où l’on préfèrerait à première vue s’en décharger pour pointer la culpabilité sur l’autre ! Ça montre aussi les limites de l’injonction ou l’envie que l’on peut ressentir que nos enfants soient « obéissants »

# 3 – Les exigences, qui entrainent les enfants soit à se soumettre, soit à se rebeller, mais pas à comprendre…

La troisième et dernière origine de la violence selon la Communication Non Violente est « l’exigence ». L’exigence se rapproche de l’ordre, c’est quelque chose que l’on fait parfois semblant de demander mais pour lequel nous attendons une seule réponse ou action possible : « fais ci », « fais ça », « vient ici », « ne touche pas », etc.

Encore une fois, dire que les exigences font partie des origines de la violence peut sembler dur ou culpabilisant. Nous qui utilisons ces formes d’expression tous les jours dans notre quotidien, en particulier avec nos enfants.  

Mais rassurez-vous, l’idée n’est pas d’arrêter d’utiliser toute forme d’impératif 😊 Un impératif reste utile lorsque son expression provient de notre propre besoin, par exemple « écoutez-moi ! ».

Ce qui est important ici est de prendre conscience de ces mécanismes vis-à-vis des autres et de leur impact, pour décider ensuite si nous voulons nous en éloigner ou non.

La CNV classe les exigences dans les origines de la violence car elles détériorent le lien. En effet on se déconnecte de l’autre et en particulier de ses besoins. A la suite d’une exigence, l’autre a deux solutions : la soumission ou la rébellion. La CNV invite à découvrir une troisième voie, celle où l’on entend et respecte les besoins des deux interlocuteurs, quel que soit leur âge 😉

Mise en pratique de la CNV avec son enfant !

Un exemple de situation : un enfant qui prend le portefeuille de son parent

Enfin, je vous propose un petit exemple de mise en pratique de la CNV avec son enfant 😊. Imaginons un parent qui ne veut pas que son enfant prenne son portefeuille. Nos habitudes « automatiques » nous font imaginer que le parent a seulement trois options :

  • Exiger de l’enfant qui lui rende son portefeuille
  • Prendre immédiatement le portefeuille des mains de l’enfant
  • Laisser le portefeuille dans les mains de l’enfant

La CNV montre qu’en réalité, il existe des milliers d’options dans cette même situation.

L’idée est d’essayer tout d’abord pour le parent de se connecter à lui-même. Et ainsi comprendre quelle est son émotion principale et son besoin principal dans cette situation.

Il peut constater qu’il ressent de l’agacement ou de la lassitude car il a besoin de repos à la suite d’une journée trop chargée par exemple. Le parent va peut-être alors choisir de passer le relais à un proche ou ami et prendre un temps pour lui.

Le parent se rendra peut-être compte aussi qu’il se sent vexé car il a besoin que l’on respecte ce qu’il dise. Ce qui est intéressant dans ce cas est d’élargir le besoin, au-delà la situation ponctuelle. Est-ce la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Peut-être que mon besoin n’est pas non plus satisfait dans ma vie personnelle ou professionnelle ? Il sera important pour le parent de bien identifier cela. Ce qui permettra de relâcher la pression dans une situation ponctuelle avec son enfant. En effet, les enjeux que l’on met dans certaines situations n’ont bien souvent rien à voir avec nos enfants. Ils ne sont que des stimulus nous permettant de comprendre ce qui ne va pas plus globalement dans notre vie. Pour cela nous devrions les remercier 😊 !

Il sera alors possible d’expliquer à notre enfant ce qu’il se passe en nous « quand tu prends mon portefeuille, je me sens fatigué car j’ai besoin de repos », « quand tu prends mon portefeuille, je me sens vexé car j’ai besoin que l’on respecte ce que je dis ». Le simple fait d’exprimer ainsi ce qui est vrai pour nous dans l’instant, nous reconnectera à nous-même. Cela nous permettra aussi ne plus mettre le portefeuille au premier plan de la situation.

En CNV, on se connecte à soi puis à son enfant avant de trouver la solution

Ensuite, le parent peut chercher à se connecter à son enfant pour comprendre quel besoin l’enfant cherche à satisfaire. Il pourra alors l’orienter vers une activité qui lui conviendra mieux. Quand l’enfant prend le portefeuille, on peut supposer qu’il cherche à alimenter un besoin de découverte. Une alternative sera peut-être une chasse au trésor improvisée !

besoins des enfants
Qu’y a-t-il au fin fond de ce portefeuille ?

Mais le besoin de l’enfant peut être tout autre et ils ne savent pas les exprimer clairement (de même que la plupart des adultes cela dit 😉). C’est pourquoi une démarche à tâtons sera généralement nécessaire. Dans cette situation, l’enfant peut également chercher à alimenter un besoin de connexion. Il va alors se précipiter vers le portefeuille interdit pour entrer en interaction avec son parent.

Ces situations peuvent nous rendre perplexes en tant qu’adultes. Nous avons appris par expérience que pour entrer dans une interaction de qualité avec quelqu’un, mieux vaut ne pas aller lui piquer son portefeuille 😉. Nos enfants, eux, n’ont pas encore ces années d’expérience dans les interactions humaines. Une alternative sera peut-être alors de raconter une histoire, de faire un jeu. Ou encore, on pourra choisir d’être juste là, avec notre soutien et nos bras, si l’enfant épuisé, ne gère pas la frustration et entre dans une crise de larmes.

Dans tous les cas, on constatera bien vite que de chercher à connaitre les besoins non satisfaits (et légitimes) chez nous et chez notre enfant, permettra d’améliorer grandement notre relation et notre bien-être personnel

J’y arrive pas ! Ça marche pas la CNV ! Suis-je un mauvais parent ?

Comme tous les outils de développement personnel, la CNV demande de la pratique. Et au début, comme tout apprentissage, on marche un peu sur des œufs. De plus, elle conviendra peut-être à certaines personnes et pas à d’autres. Mais sans avoir pratiqué vraiment il sera impossible de savoir si c’est quelque chose qui nous aide ou non.

Le changement d’anciennes habitudes bien ancrées en nous prend du temps. Au début la pratique de la CNV peut même sembler artificielle. Ça ne fait pas de vous un mauvais parent, mais un parent qui apprend, qui ose changer ses habitudes. Et pour cela vous pouvez vous féliciter !

Je me rappelle que dire par exemple « je me sens triste » à la place de « je suis triste » me paraissait bizarre voire un peu gênant au début (« comment elle parle, elle ? 😉). Aujourd’hui c’est devenu un réflexe très fluide et je suis contente de voir que ça l’est aussi pour mon fils. Cela l’aide à ne pas associer lui ou les personnes à leurs émotions. Je l’entends dire « je me sens timide » lorsqu’il n’a pas vu quelqu’un depuis longtemps, mais il ne s’est jamais qualifié de timide « je suis timide ». Ça permet déjà de se libérer d’un certain nombre d’étiquettes.

La CNV est à un peu à la mode aujourd’hui. Mon conseil est de se tourner vers des personnes dument formées. Personnellement j’ai participé à des modules de formation proposés par l’association CNV France et j’ai adoré ! Les formateurs-formatrices que j’ai rencontré-es étaient certifiées et pratiquaient la CNV depuis de nombreuses années. Et surtout j’ai pu pratiquer sur des situations concrètes qui me concernaient.

J’espère que cette série de deux articles vous aura permis de mieux comprendre ce qui se cachait sous cet acronyme « CNV ». Et qu’ils vous auront donner envie de pratiquer avec vos enfants ! N’hésitez pas à me laisser un commentaire et partager vos expériences en bas de cet article ! Je serai heureuse de le lire et d’y répondre 😊. N’hésitez pas non plus à partager cet article autour de vous, s’il vous a été utile !

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