Ceci est le premier des 2 articles que je vais consacrer à la « Communication Non Violente » (CNV). Je me suis intéressée à ce sujet quand je suis devenue maman. En effet, je constatais un peu partout autour de moi (notamment dans les parcs de « jeux ») que dès que les enfants sortaient de l’état de bébé, les relations parents/enfants devenaient assez conflictuelles. Je me demandais s’il était possible de vivre avec des enfants sans ces rapports de force. Et très vite j’ai senti que j’avais besoin de pratiquer pour intégrer réellement ces concepts car entre la théorie et la pratique, il y a parfois un long chemin 😉. C’est pourquoi j’ai décidé de m’inscrire à une semaine formation en CNV durant l’été 2018. Et je n’ai pas été déçue, car la CNV est devenue un de mes 3 piliers de développement personnel que j’utilise quasi quotidiennement dans ma vie de parent.
La semaine de la révélation
Cette semaine s’est avérée pour moi plus qu’une simple formation, je l’ai un peu vécue comme une « révélation ». J’ai tout d’abord fait l’expérience d’une déconnection totale de mon téléphone, d’internet, des actualités, de la logistique quotidienne. J’étais dans des conditions optimales pour m’ouvrir à cette nouvelle manière de voir les relations humaines comme le propose la CNV, et cela m’a vraiment marquée. Plusieurs de mes certitudes se sont envolées, et avec elles, une certaine lourdeur dont je n’avais jamais pris conscience. A la place, j’ai appris comment écouter (moi et les autres) et en quoi ça change tout dans les relations avec les autres et notamment avec son enfant.
La Communication Non Violente, c’est quoi et comment s’en servir quand on est parent ?
La CNV est un « processus » de communication démocratisé aux Etats Unis dans les années 80 par un psychologue nommé Marshall Rosenberg. Ayant côtoyé de près des personnes très bienveillantes dans son enfance, mais ayant subi également des agressions raciales, il s’est interrogé sur ce qui pouvait conduire les hommes à rester fidèles à leur bienveillance ou, au contraire, à s’en couper radicalement. Il s’est rendu compte que c’était l’éducation et notamment le langage qui permettait de rester, ou pas, en lien avec cet élan vital dont il était sûr que nous avions tous en nous : celui qui nous pousse à vouloir contribuer au bien-être des autres.
Le processus qu’il a élaboré a donc pour vocation de nous ramener à notre « élan de vie » c’est-à-dire ce qui anime chacun d’entre nous en permanence. Pour cela, deux notions sont indispensables : nos émotions et nos besoins.
Les multiples émotions qui nous traversent, que l’on soit parent ou non !
Des émotions agréables ou désagréables nous traversent en permanence, quelle que soit notre situation, et sont très vite changeantes ! C’est se sentir décontracté-e, tendu-e, énervé-e, surpris-e, amusé-e, contrarié-e, optimiste, etc.
Quand on est un être humain (donc parent ou non 😉) et qu’on le veuille où non, on ressent forcément au cours de nos journées certaines émotions désagréables. La CNV nous apprend à écouter ces émotions plutôt que de chercher à s’en débarrasser ou à les changer le plus rapidement possible. Au contraire, la CNV nous montre qu’elles sont précieuses car elles nous permettent de comprendre ce qui se passe en nous et d’accéder ainsi à nos « besoins ».
Contrairement à ce que l’on dit habituellement, on comprend en CNV que les expressions : « je suis énervée » ou « je suis timide » ne sont pas appropriées car une émotion n’est pas « nous », c’est juste quelque chose que nous ressentons là, maintenant. Je ne suis pas l’émotion, je la ressens, c’est tout. Même si ça ne la rend pas plus agréable, prendre l’habitude de dire « je me sens énervée » ou « je me sens timide » peut déjà faire retomber un peu la mayonnaise 😊.

Nos émotions nous guident jusqu’à nos besoins et à ceux de nos enfants.
Essayer de satisfaire nos besoins est ce qui nous pousse, à tout instant, à agir. Tout ce que l’on fait ou dit, c’est pour alimenter un besoin qui n’est pas satisfait dans l’instant. C’est avoir besoin de repos, d’autonomie, de liberté, d’amour, d’estime de soi, de reconnaissance, de sécurité, de clarté, etc. Ces besoins sont universels, ils sont les mêmes pour tous les êtres humains et ne peuvent pas être pleinement satisfaits au détriment de nos autres besoins.
Là encore, contrairement à ce que l’on dit souvent, nous n’avons pas « besoin » que notre enfant nous aide, pas « besoin » que notre enfant se calme, ni « besoin » d’aller au cinéma. Notre besoin est beaucoup plus profond et ce n’est pas uniquement une personne ou une situation qui peut le satisfaire. Dans l’exemple précédent, on découvrira peut-être l’expression d’un besoin de soutien, de repos ou de distraction.
On réalise en CNV qu’il existe des tas d’idées qui peuvent nous permettre de satisfaire nos besoins au cours de notre vie et de nos journées. Tout comme il existe des tas d’idées pour aider notre enfant à satisfaire ses besoins. Le tout sera de trouver le bon mélange d’idées permettant de satisfaire les uns et les autres dans le « vivre-ensemble ».

La Communication Non Violente permet de comprendre que nos réactions ne dépendent pas directement des comportements de notre enfant
Notre société et notre éducation nous ont conduit à porter notre attention sur les faits, les interpréter, puis généralement rejeter la faute sur l’autre, et lui exprimer. Ce qui nous conduit à dire des choses comme : mon enfant m’a pris mon portefeuille alors que je lui avais dit de ne pas le faire, ça m’a énervé donc j’ai crié « rends moi tout de suite mon portefeuille ». Dans cette manière d’exprimer les choses, on se persuade que l’on s’est énervé à cause de ce l’autre a fait, et que c’est à cause de ce qu’a fait l’autre que l’on a crié.
La CNV, elle, nous apprend à bien distinguer :
- Nos observations purement factuelles : mon enfant a pris un objet
- Les multiples interprétations que nous ajoutons dans nos têtes sur ce simple fait : « il le fait exprès car il sait très bien qu’il n’a pas le droit », « il me teste », « je ne peux rien laisser sans surveillance », « si je ne dis rien il ne va pas être bien élevé », « il ne m’écoute pas », « si je lui laisse il va me perdre des choses », « un portefeuille ce n’est pas un jouet », etc.
- Les émotions que nous ressentons alors : je me sens énervé-e, frustré-e, agacé-e, etc. Généralement une émotion est plus forte que les autres dans un « fouillis » d’émotions.
- Nos besoins qui sont alors non satisfaits : ça dépend des gens mais ça peut être par exemple ici un besoin de respect (pour ce que l’on dit), un besoin de légèreté (après une journée trop pesante), de sécurité matérielle, de confiance, etc. Là aussi, un besoin ressort généralement du lot.
- Les stratégies que nous allons mettre en place pour satisfaire nos besoins : il en existe une infinité ! La plupart du temps, nos réactions sont automatiques (dans l’exemple ci-dessus, le parent hausse la voix et donne un ordre à l’enfant) mais en réalité nous avons le pouvoir de choisir comment nous réagissons (ou pas), en particulier lorsque nous arrivons à identifier quel besoin chez nous n’est pas satisfait.
En CNV, on apprend à observer que les faits ne sont que des « stimulus » qui vont venir mettre au jour un besoin beaucoup plus profond qui n’est pas satisfait. C’est la non-satisfaction de ce besoin (et non le fait lui-même) qui nous fait ressentir des émotions désagréables.
Si nous répondons à notre besoin (par exemple un besoin de repos) avant ou après une situation avec notre enfant (par exemple en faisant une séance de méditation, ça marche bien pour moi 😊), cette même situation n’aura pas le même effet sur nous. Et comme, au contraire, nous ressentons une émotion agréable quand nous satisfaisons un de nos besoins, il est fort possible de ressentir de l’apaisement quand nous prenons soin de notre relation avec notre enfant, même quand la situation initiale nous déplait.

Cette manière d’observer et comprendre nos émotions est fondamentale en CNV et elle m’a montré que je n’avais pas besoin que mon enfant « change » pour être heureuse avec lui, mais plutôt de comprendre ce dont que nous avions besoin l’un et l’autre pour décider ensuite quelle action j’allais entreprendre, seule ou avec lui.
Dépasser nos conflits avec nos enfants grâce à l’expression et la compréhension de nos besoins
Comprendre nos propres besoins de parents, un exercice que nous n’avons jamais appris
Tous les êtres humains ont les mêmes besoins, mais pas aux mêmes instants et pas à la même fréquence. C’est pourquoi deux personnes peuvent ainsi réagir totalement différemment à une même situation. Les émotions ressenties peuvent également différer très fortement d’une personne à une autre et en conséquence, les mises en action qui vont en découler.
Dans une même situation avec un enfant, un parent va ressentir de l’agacement quand une autre ressentira de l’indifférence, voire de l’amusement ! Une même personne peut également ressentir deux émotions totalement différentes en fonction du moment de la journée (le matin de l’agacement, le soir de l’amusement). Comprendre quels sont nos propres besoins demande de l’entrainement car nous n’avons jamais appris à le faire !
Se connecter à nos propres besoins et ceux de nos enfants, une voie pour sortir du « qui a tord et qui a raison »
Essayer de comprendre nos propres besoins nous permet de nous connecter à l’humanité que nous avons en nous. Cela nous réunit nécessairement aux autres car nous avons tous les mêmes besoins fondamentaux en tant qu’êtres humains.
Tous ces besoins sont légitimes et il n’existe pas de besoin détériorant la qualité de la relation à l’autre. Par exemple, nous n’avons pas « besoin » de faire mal à l’autre, pas « besoin » de se faire du mal à soi-même. En cela, le besoin n’est pas une envie. On peut ressentir de la colère et avoir envie de crier sur l’autre pour décharger cette colère, mais la CNV nous montre que ce ne sera qu’une stratégie parmi d’autres pour alimenter un besoin qui est en souffrance chez nous. Et que la stratégie de décharger sa colère sur l’autre est systématiquement perdante, car en la suivant, on se coupe de nos besoins d’harmonie, de paix, de connexion aux autres, qui existent en chacun d’entre nous.
Le processus de la CNV peut sembler compliqué à première vue, mais une fois que l’on a compris qu’un conflit n’est pas lié à un désaccord sur un fait, mais qu’il n’est que le révélateur de besoins non satisfaits chez nous et chez l’autre, on arrête le jeu du « qui a tort et qui a raison », tout devient alors possible et la vie change de couleur 😊.
C’est pourquoi Marshall Rosenberg disait « on a le choix dans notre vie entre être heureux ou avoir raison ».
Comprendre que la violence provient de notre langage et non de la nature humaine : une clé pour l’éducation des enfants
Dans ce contexte, on peut se demander ce qui nous empêche de sortir de la violence que l’on observe un peu partout autour de nous.
En CNV on fait l’expérience que, en tant qu’être humain, nous ressentons toute la palette des émotions (agréables comme désagréables) mais que nous n’avons aucun besoin « négatif ». Il n’existe pas de besoin de violence, de domination, de pouvoir, de détruire. Même dans les situations où nous avons des comportements qui peuvent laisser penser le contraire, faire l’exercice de détricoter la situation avec l’approche de la CNV montre que notre comportement a été un choix (parfois très regrettable) d’essayer de répondre à un besoin – légitime et universel – que nous avons.
S’il « suffit » alors d’exprimer nos émotions et nos légitimes besoins pour résoudre nos conflits et vivre en harmonie, pourquoi les violences et notamment les VEO perdurent ?

Parce que justement, ce « il suffit » nécessite de remettre en question, in fine, notre langage, c’est-à-dire ce que l’on se dit à soi-même et ce que l’on dit aux autres. Or ce langage provient de notre éducation, notre culture, nos habitudes, etc. Changer tout cela nécessite de changer d’état d’esprit et de croyances parfois ancrées depuis des dizaines d’années, ce n’est pas rien !
Mais Marshall Rosenberg nous invite à ne pas confondre ce qui est « habituel » de ce qui est « naturel », et à bien comprendre que les actes de violence ne sont pas liés à la « nature » humaine mais à nos « habitudes » humaines, et ça nous avons le pouvoir de les faire évoluer.
Ouf, ça redonne de l’espoir 😊 !
Je m’arrête ici pour aujourd’hui : nous avons découvert le principe de la CNV, l’importance de distinguer nos émotions et nos besoins au-delà des faits.
Dans un prochain article, je détaillerai les trois actions à l’origine de la violence selon la CNV et je donnerai quelques exemples de mise en pratique avec son enfant. A bientôt !
Pour aller plus loin :
- Livre « Les mots sont des fenêtres » de Marshall Rosenberg
- Conférences de Marshall Rosenberg visualisables sur YouTube
- Formations proposées par Le site français des formateurs et formatrices certifiés en Communication Non Violente
- Formations proposées par Declic (CNV et Education)